emanuel gat dance

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La Grande Parade - LOVETRAIN2020 : l'alchimie bienheureuse de Tears for Fears et d'Emanuel Gat Dance

  • mercredi 7 octobre 2020 20:27

  • Écrit par Julie Cadilhac

Par Julie Cadilhac - Lagrandeparade.com

LOVETRAIN2020 se présente comme une « comédie musicale contemporaine » autour des chansons du groupe anglais Tears for Fears. Tous ceux qui connaissent le travail du chorégraphe Emanuel Gat savent déjà que son travail se nourrit des spécificités de ses danseurs et de leurs interactions lorsqu’ils improvisent en répétitions. Cette pièce chorégraphique délicieuse ne dément pas son talent de « chorégraphe de la collectivité » mais donne à voir également des solos, duos ou trios de belle facture.

Véritable ballet symboliste, à la teneur tout à la fois passionnée et mélancolique, dans lequel la musique, la danse, les lumières, les costumes et les corps en mouvements se répondent, ce LOVETRAIN2020 nous emporte dans une fabuleuse promenade visuelle et auditive où l’excentricité des postures joue avec le baroque des tenues, les vibrations du synthétiseur et des voix se répercutent sur la peau et les lèvres des interprètes, la gestuelle joueuse ricoche en ondes libératrices.
Dans un premier tableau superbe, face à nous, apparaissent des oiseaux de bon augure qui évaluent des postures, en soupèsent la théâtralité et les possibilités symbiotiques, testent l’apesanteur de leurs tissus, se contrefont, s’inspectent. Cette belle synergie converge ensuite en un attroupement superbe où un coeur de lumières sertie d’ombres confère une majesté de cathédrale à l’instant. 
Un solo aux effets de ralenti saisissant lui succède et le spectateur jouit du décalage entre une bande-son populaire au rythme entraînant et un choeur en fond de scène aux gestes tout en retenue élégante. 

On vous laissera le bonheur de découvrir toutes les déclinaisons suivantes. Parfois, la musique se tait et on l’entend encore tant les danseurs sont imprégnés de son cri.

Si tous les danseurs charment, ceints des tenues merveilleuses de Thomas Bradley où la variété des tissus, des motifs, des formes, des volumes accroit encore l'excentricité latente du propos, certains nous ont particulièrement touchés. Rindra Rasoaveloson et Ichiro Sugae convainquent dans un pas de deux à la belle complicité gestuelle et à l’exotisme prégnant. On se souvient aussi de minutes hallucinées à la sensibilité au bout des doigts interprétées par Thomas Bradley, tout à la fois surréalistes et empreintes d’une douceur surprenante. Magnifique personnage dont l’incarnation devient consomption troublante. Coup de coeur enfin pour Michael Loehr qui manifeste un plaisir communicatif à danser, et dont la présence, mutine et espiègle, offre notamment un très beau duo avec Robert Bridger au bel accord des corps, en esquisse un autre, troublant et fort - tant on y ressent LA MUSIQUE -, avec Eglantine Bart... et cabotine enfin seule dans un solo charismatique.

On salue vivement l’orchestration des chorégraphies collectives d'Emanuel Gat qui séduisent par leur singularité et leur dynamique mais aussi l’expressivité de tous les performers dont le corps ne cesse d’être en tension dramatique.

Le ballet final, en portées de danseurs talentueux, donne envie de danser! Voilà un travail aussi revigorant qu’esthétique qui fait un bien fou ! Une invitation toute bienvenue à se libérer…et d’abord de la morosité ambiante en côtoyant l’art, merveilleux échappatoire!

Dates et lieux des représentations :
- Samedi 3, lundi 5 et mardi 6 octobre 2020 à 20h à l’Opéra Comédie (Place de la Comédie,Montpellier) - Montpellier Danse - Premières mondiales.

Les deux membres fondateurs  de Tears For Fears, Roland Orzabal et Curt Smith, ont vécu une expérience similaire de vie familiale monoparentale tourmentée qui a marqué leur enfance et adolescence. Cette trajectoire personnelle commune ont favorisé un penchant pour le domaine de la psychologie et de la thérapie, notamment celle proposée par Arthur Janov. Ce dernier, connu par la technique du Cri Primal ou Rebirth  -qui consiste à soigner les troubles comportementaux du patient en remontant à la source de son malaise par le fait de mettre des larmes sur ses peurs (« tears as replacement for fears »). « Shout », le plus grand succès de Tears For Fears, est un appel à ce cri de libération : « Shout, shout, let it all out » disent les paroles (« crie, crie, laisse tout sortir »). Leur premier album s’intitule « La Blessure » (The Hurting), où l’on trouve des morceaux comme « Suffer The Children » ou « Mad World ». Ce disque, qui traduit en grande partie le mal être des adolescents sous l’ère Thatcher, a eu un énorme retentissement au Royaume- Uni. Tout est dit sur la pochette qui représente un enfant prostré.