emanuel gat dance

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Danses avec la plume - TENWORKS (for Jean-Paul), Emanuel Gat unit ses interprètes à ceux du Ballet de l’Opéra de Lyon

© Julia Gat

Créé le 4 juillet 2017
Par Delphine Baffour

Fidèle de Montpellier Danse, Emanuel Gat marie pour le meilleur les danseur.se.s de sa compagnie à ceux et celles du Ballet de Lyon pour créer dix courtes pièces, TENWORKS (for Jean-Paul). Un passionnant et réjouissant programme dédié à Jean-Paul Montanari, le Directeur du festival.

Lorsque Yorgos Loukos, Directeur du Ballet de l'Opéra de Lyon, offre à Emanuel Gat une carte blanche, suggérant qu'il peut aller jusqu'à mélanger leurs troupes, l'artiste israélien basé à Istres s'empare immédiatement de cette idée iconoclaste. Celui pour qui chorégraphier n'est pas inventer des mouvements, mais se poser des questions morales, éthiques, y voit l'occasion de s'interroger sur les modes de production de la danse, sur ses institutions où existent des cloisons étanches entre compagnies indépendantes et ballets nationaux. Faire sauter ces frontières d'un autre âge le temps d'une création lui parait salutaire. C'est l'occasion également pour chacun de sortir de sa zone de confort, de se confronter à l'autre.

Mais à l'heure où les danseur.se.s, de nationalités multiples, parlent le même langage, ont les mêmes sources d'inspiration, le processus de création se déroule avec une fluidité, une facilité qui étonnent le chorégraphe. Si des difficultés surviennent, elles sont administratives, pas artistiques. Des temps restreints de production, les plannings sont chargés de part et d'autre, découle une extrême concentration et même paradoxalement une certaine sérénité. Plutôt qu'une longue pièce, Emanuel Gat entreprend d'écrire pour les dix interprètes de sa compagnie et autant de membres du Ballet de l'Opéra de Lyon un programme de dix courtes pièces, qui lui offre la possibilité de lancer ses recherches dans plusieurs directions. Et puisqu'il n'envisage la création que dans un contexte de relations humaines, il dédie ce programme à Jean-Paul Montanari, directeur de Montpellier Danse, dont il juge la confiance toujours renouvelée déterminante dans son parcours.

Cette générosité, cette intensité, cette fluidité brillent sur le plateau le soir de la première. Dès l'ouverture du rideau, même si rideau il n'y a pas dans cet écrin que représente le théâtre en plein air de l'Agora, l'on est emporté par le déferlement des vingt danseur.se.s sur scène, leur brio, leurs gestes amples et clairs, énergiques et précis, la science de la composition d'Emanuel Gat. Duos et pièces de groupes s'enchaînent avec des transitions toujours pensées, mariant les interprètes istréens et lyonnais sans qu'il soit aisé de les distinguer, alors que la musique live s'invite en deuxième partie de programme. COUZ II et sa jumelle COUZ I sont conçues comme des explorations de création en temps réel. Voir tel danseur dupliquer les phrases chorégraphiques de tel autre, puis l'abandonner pour se caler sur les pas d'un second, le flux de mouvements s'accélérer, ralentir ou même s'arrêter tout à fait sur les indications d'un autre encore, est fascinant. Sextette, dans laquelle Emanuel Gat applique ses méthodes de composition au vocabulaire classique, dansé sur pointe, l'est tout autant.

Si le chorégraphe s'est de tous temps intéressé aux duos, ils étaient jusqu'alors le plus souvent intégrés à des compositions plus larges. Il entame aujourd'hui un travail spécifique sur cette forme. Que ceux qu'il a créés pour TENWORKS (for Jean-Paul) portent tous le nom de leurs danseur.se.s est particulièrement juste, tant au delà de leur écriture ils impressionnent par l'intensité de leur interprétation, l'attention extrême portée à l'autre, la force de la relation au partenaire. Toutes ces choses étaient déjà superbement à l'œuvre dans le dernier des cinq volets de DUOS, le seul qu'il m'ait été donné de voir, pièce créée également lors de ce festival et qui s'est égrainé cinq jours durant dans les rues montpelliéraines.