(FR) Le Nouvel Observateur - Les accords de Gat
L'Israélien Emanuel Gat et sa compagnie viennent de s'installer à Istres avec une mission : rayonner sur toute la région et partir sur les routes du monde.
Il vient de se poser près de l'étang de Berre, avec danseurs, femme et enfants. Invité partout dans le monde, mais ne supportant plus les conditions précaires qui étaient les siennes en Israël, son pays, Emanuel Gat est désormais l'hôte de la communauté urbaine d'Ouest Provence. Une affaire qui n'a pas traîné. En juin, l'administrateur du chorégraphe, le Français Didier Michel, prenait langue avec la régie culturelle qui gère les activités artistiques de cette agglomération de près de 100 000 habitants, répartis sur sept communes. Et dès octobre, Emanuel Gat et sa compagnie prenaient possession de magnifiques studios à la Maison de la Danse d'Istres. Un cadeau pour lui. Mais aussi pour cette communauté urbaine ou Istres et son Théâtre de l'Olivier cultivent depuis longtemps un pôle chorégraphique où ce francophone vient s insérer. Déjà, pour cette saison, la compagnie donnera cinquante spectacles. Au Festival de Danse de Cannes après le Festival d'Automne, mais aussi au Centre national de la Danse à Pantin, à New York, Boston, Ottawa, Shanghai ou Adélaïde comme à Flancourt ou Cergy-Pontoise.
Car cet Israélien et son administrateur ont pour ambition première de ne pas vivre des seules subventions publiques, comme certaines compagnies survivant la sébile à la main. Emanuel Gat se réserve les trois mois nécessaires pour concevoir de nouvelles chorégraphies. Le reste du temps, il sera sur les routes avec sa compagnie. Avec une aide de 50 000 euros octroyée par Ouest Provence, l'espoir de subventions avoisinant les 100 000 euros, la compagnie sait pouvoir équilibrer le budget d'une troupe de dix danseurs salariés, grâce à cinquante représentations annuelles. Car l'atout d'Emanuel Gat, outre son énergie, c'est bien évidemment son talent : sa façon insolemment sensuelle d'oser des figures de salsa sur la partition du «Sacre du printemps» de Stravinsky; de réinventer, sur des lieder de Schubert, de diaboliques petits pas furtifs où les danseurs frôlent à peine le sol; l'extraordinaire vélocité de sa danse; les défis permanents qu'il se lance et relève avec une élégance souveraine. Quand tant d'autres se gargarisent de concepts avant de savoir mettre un pied devant l'autre, la rigueur de son écriture, belle, envoûtante et réfléchie, fait de lui une rareté : un authentique et brillant chorégraphe, doublé d'un magnifique danseur. Et il faut toute la virtuosité de ses danseuses qui volent sur la scène comme des flammes sur un pré pour qu'on attache ses regards sur quelqu'un d'autre que lui.
Prochains spectacles : le 30 novembre au Festival de Danse de Cannes, Palais des Festivals ; 04-92-99-33-83. Le 4 déc. à Noisy-le-Sec, Théâtre des Bergeries ; 0141-83-15-20. Le 6 à Strasbourg, Pôle Sud ; 03-88-39-23-40.
Raphaël De Gubernatis, 20/09/2011