Les Echos - Montpellier Danse en trois temps, trois mouvements
A Montpellier Danse, la concurrence cette année ne vient pas des matchs de l'Euro mais bien plus des plages qui, la chaleur aidant, font le plein. Pourtant, dès la fin de journée de petites foules communient avec ferveur pour célébrer... la danse contemporaine sous toutes ses formes.
Ainsi Jacopo Godani, avec la Dresden Frankfurt Dance Company, promettait une chorégraphie « dansée à fond " avec « The Primate Trilogy ". Godani a passé dix ans au sein du Ballet Frankfurt, alors dirigé par William Forsythe. Le moins que l'on puisse dire, c'est que cela se ressent : sur scène, c'est une débauche de corps vrillés, de pas de deux virtuoses, avec même des pointes pour les solistes féminines. Ajoutez-y des collants moulants et des effets répétés comme ce rideau de scène qui vient rythmer la pièce et vous avez un hommage au maître américain Forsythe qui ne dit pas son nom. Jacopo Godani s'en défend pourtant. Le public du Corum, en l'acclamant, l'a sans doute conforté dans cette veine.
On lui préféra « Le Syndrome Ian " (référence à Ian Curtis, le chanteur disparu de feu Joy Division), signé Christian Rizzo : le néo-Montpelliérain fait danser sa troupe sur les ruines d' « une nuit à jamais dissipée ». Dans une ambiance électrique - avec des sculptures de lumière -, Rizzo met en mouvement les rituels du clubbing sur une bande-son du groupe Cercueil aux basses profondes. Il capture ces moments de grâce, communauté de danseurs avant la séparation, tout en créant un monde parallèle fait de créatures à poils longs. La gestuelle est minimale mais l'effet maximal, plongeant l'Opéra Comédie dans un bain de jouvence. Seule la mélancolie inhérente au « Syndrome Ian ", avec sa dernière image somptueuse - un interprète esseulé - vient rappeler la menace de notre époque.
Le miracle « Sunny »
A peine plus optimiste, « Sunny ", d'Emanuel Gat, fera néanmoins l'effet d'une déflagration de plaisir : l'Israélien, fortement soutenu par Montpellier Danse, est l'un des rares artistes du moment à privilégier la recherche : son écriture abonde en spirales, ondulations. Comme un courant continu de sensations inédites. Avec la présence d'un musicien sur le plateau, Awir Leon, qui crée une bande-son sur mesure, « Sunny » offre au regard quelques-unes des plus belles séquences de la saison. La richesse des combinaisons, l'intelligence des changements d'humeur - et de couleur - font de « Sunny " un miracle chorégraphique estival.
Philippe Noisette, 9 juillet