emanuel gat dance

View Original

Midi Libre - Dix pièces pour le temps présent sur la scène de l'Agora

On a vu. Pour Montpellier danse, le chorégraphe israélien Emanuel Gat crée "TENWORKS" avec sa troupe et le ballet de l'Opéra de Lyon. Un événement unique.

Une heure et demie de belle danse pure, en équilibre absolu, que cette création de Gat à Montpellier Danse, en hommage à Jean-Paul Montanari, son directeur. Pas seulement dans les chiffres (dix interprètes de la compagnie du chorégraphe pour dix du Ballet de l'Opéra de Lyon), mais aussi dans les compositions de ces dix pièces en écho aux écritures musicales : quatre duos, un sextuor, deux dixtuors, deux unissons et, pour décaler le tout, l'inventive improvisation d'un quintet. Pièces oscillant de cinq à treize minutes selon les stricts principes d'une fugue. À souligner aussi la nouveauté d'un modèle de production artistique entre une institution d'État et une compagnie privée, et l'on accordera à cet événement unique une dimension comparable à celle des ballets russes en leur temps.

Une éthique à la fois zen et exigeante

Ceci dit, on ne chausse pas sa vision des mêmes lorgnettes pour assister à une performance de danse qu'à un ballet de Gat. Est requise une sorte d'éthique de discipline et rigueur, à la fois zen et exigeante. Que les danseurs déboulent au son trépidant du Sinnerman de Nina Simone, telle une volée d'hirondelles saisissant l'espace par vagues brouillonnes et renouvelées, créant en fait de bouleversées situations, aussi éphémères que précisément fondées (un jeu tout en rivalité joyeuse) ; que les duos se greffent en phases intimistes, complexes et émouvantes, sur ces plages de liberté affutées, en virtuosité, et l'on perçoit en quoi ce post-classicisme chamboulé pour réconcilier l'âme de la danse avec la danse elle-même eut des prédécesseurs comme Béjart.

Du reste, l'usage des pointes, pas plus empêché que celui des pieds nus ; la jolie robe et le pantalon à plis, pas plus que la tunique transparente ou le kilt, noir et blanc, camaïeu, avec des pointes de couleurs vives. Tout un précipité pour de talentueux et fougueux danseurs transposé dans l'élégance des formes. Outre ce, des lumières activant la plastique des corps ou soulignant des temporalités entre confidence et plein feux des studios ; des musiques signées Gat, d'autres étonnamment chatoyantes, comme ce quatuor de tubas signé John Stevens.

Avoir été présent à cela, c'est avoir donné du temps à la pensée.

3 juillet 2017
Lise Ott