Journal Ventilo - L’avenir de Bobby

Le Grand Théâtre de Provence et le Théâtre de l’Olivier programment, ce mois-ci, SUNNY, la dernière création d’Emanuel Gat, chorégraphe israélien installé à Istres. L’occasion d’une rencontre sur la genèse de son travail.

SUNNY, c’est l’histoire d’un air intemporel écrit par Bobby Hebb en 1963, à la suite de l’assassinat de son frère et du président Kennedy dans un laps de temps de quarante-huit heures. De cet hymne du deuil et de la résilience composé à la guitare sèche, où le beat monte crescendo sur la voix inspirée de Bobby Hebb, SUNNY va dessiner un territoire où les années 60 rencontrent les années 80, aspirant les seventies pour le plus grand bonheur des oreilles. SUNNY traverse le temps et les vies comme un mouvement perpétuel que rien n’arrête, avec pas moins de quatre-vingts reprises sur les cinquante dernières années. Musique de boîte de nuit, d’anniversaire, de mariage, de slow, de rencontres où les sourires se mélangent à la nostalgie. SUNNY est une mélodie de la fraternité et de l’abolition des classes. Awir Leon et Emanuel Gat ont décidé de s’emparer de ce tube pour le transgresser et lui redonner vie sur scène.

Il ne s’agit pas d’une chorégraphie du pas compté, mais plutôt d’un aller-retour, où chacun, dans son coin, travaille un phrasé qui tend une main vers l’autre, laissant glisser les doigts jusqu’au point de rupture. La signature d’Emmanuel Gat, c’est un collectif de dix danseurs à l’écoute de leur corps et de l’autre, où chacun se gère et envisage le mouvement comme une proposition personnelle et intime. « Ce n’est pas une question de technique, mais plutôt de générosité et de flexibilité où chacun est responsable. » Pas de miroir, pas de tempo, les gestes s’assemblent et se défont dans une lenteur proche du suave. SUNNY est une forme évolutive où la musique devient vaporeuse, proche de la transe, où les danseurs construisent des modules. « C’est un atelier en continu, pendant la création et quand la pièce se joue. Ils sont encouragés à ne pas refaire la même chose, ils doivent continuer à explorer. C’est comme des jeux, il y a deux ou trois règles et ils composent avec. » Tout se défait et se refait. Le temps d’un instant, ils sont ensemble synchrones, les pieds en dehors, la jambe qui part haut. Et puis tout se disloque vers un retour intérieur où l’individu reprend le dessus sur le groupe. « Chacun écrit une phrase et doit la poser sur celle de son partenaire. La fluidité vient d’une logique qu’on installe. » SUNNY est certainement la pièce la plus personnelle d’Emmanuel Gat. Pour tout ceux qui étaient habitués à une danse léchée et rythmée, il faudra peut-être regarder les choses autrement.

Karim Grandi-Baupain, rubrique Sur les planches, le mercredi 01 Mar 2017 dans Ventilo n° 387

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