Le chorégraphe israëlien installé en France est associé au festival Montpellier Danse qui propose de découvrir son univers en détails.
Il va son chemin, hors de toute influence. «Je n'ai pas le choix», dit-il. Le chorégraphe israëlien de 44 ans, est arrivé en France, à Istres, avec sa femme et ses cinq enfants en 2007. En six ans, avec juste un studio à sa disposition et le soutien de la Fondation BNP Paribas, il a réussi grâce à son talent extrêmement singulier à produire quelques unes des pièces les plus marquantes de la danse contemporaine. On le réclame de Berlin à Sidney ou Los Angelès, où il créera cet été à l'invitation de Benjamin Millepied. A Montpellier Danse, il est chorégraphe associé du festival. Il montre trois créations et deux installations photographiques. Il y parle de ce qui l'obsède: «Premièrement les gens que j'observe comme un anthropologue. Deuxièmement, le mouvement, le temps, et l'espace», dit-il. Il le fait à sa manière totalement surprenante: Gat a découvert la danse à 23 ans, alors qu'il étudiait pour devenir chef d'orchestre. Ses chorégraphies sont des musiques visuelles jouées avec des corps. Et non pas, comme le prônait par exemple Balanchine, avec son principe «voir la musique, écouter la danse», une manière de rendre visible la musique sur laquelle se produisent les danseurs.
Dans ses «Goldlandbergs», présenté en ouverture de Montpellier Danse, Emanuel Gat travaille sur le principe de la fugue, cher à Bach. Cet art de l'imitation et du contrepoint où les thèmes glissent de l'un à l'autre, se démultiplient, se regroupent et se redéploient, porte le principe même de la mélodie intérieure. Avec ses obsessions et ses échappées belles. Les «Goldlanbergs» met en scène huit personnes évoluant dans un rectangle lumineux, sans costumes ni décors. Gat donne à voir plus que leurs relations, exercice banal en chorégraphie. Il montre la manière dont leurs interactions ici ou là sur scène, modifie et fait vibrer l'espace entre les êtres. La pièce est écrite à fleur de peau, sur le frisson, dans une sublime délicatesse. Précise et parfaitement interprétée, elle donne dans un certain minimalisme.
Ce qui compte ici c'est la vibration plus que la démonstration, et il faut être proche de la scène pour la saisir. La chorégraphie dose marches tirées du quotidien et figures inédites d'assemblage des corps en duos, trios ou ensembles. «Avec les danseurs, nous travaillons dans le silence et mettons la musique après pour y poser la danse. Là, nous avons écrit deux pièces: l'une sur les commentaires de The Quiet in the Land, documentaire de Glenn Gould sur les Mennonites, et dernier opus de sa Trilogie de la solitude réalisée comme un essai de radio contrapuntique. L'autre sur son interprétation des Variations Goldberg, qui dure pareillement cinquante deux minutes. Puis on a mélangé», dit Emanuel Gat.
Sans attendre la dernière scène, où un couvercle descend des ceintres pour enfermer les danseurs dans une boîte, on devine qu'on est ici dans l'observation d'un espace mental. Celui du chorégraphe? Du mystérieux Glenn Gould, peut-être atteint du syndrome d'Asperger? Ou bien est-ce celui du spectateur sollicité pour comprendre ce qui se joue entre ces danseurs dont les interventions, sur le plateau vide, semblent d'abord curieusement désunies?
Emanuel Gat manie son art très personnel de la chorégraphie comme une science qu'il pousse de plus en plus loin, pour traduire des réflexions de plus en plus subtiles. Sa position de chorégraphe associé à cette édition de Montpellier Danse permet de mieux entrer dans son univers. Tous les après midis, il crée une pièce en public. On le voit demander aux danseurs d'interpréter les paroles d'une chanson qu'ils ont en tête. On le voit aussi les suivre en direct, appareil de photo au poing, comme pour mieux saisir les mouvements qui fusent et la concentration dans les profils et les regards. Ses photos ciselées dans l'or tendre de la chair et du soleil font l'objet d'installations à la chapelle et la cave de l'Agora. L'une et l'autre évoquent l'intimité dans une nuit de velours, bruissante dde pas ou de cantiques. Immobile mais hypnotique, c'est l'autre chant de la danse.
Montpellier danse jusqu'au 6 juillet, puis tournée en Europe et en France. Les dates sur son site Internet.
Par Ariane Bavelier
Mis à jour le 25/06/2013 à 14:35
Publié le 25/06/2013 à 07:00