Quand la salle est plongée, tout à coup, dans le noir, le plateau de LOVE TRAIN 2020 s’anime. Création donnée à la 40ème édition bis de Montpellier Danse, la pièce d’Emanuel Gat se dévoile au fond de la cage de scène, par un clair obscur laissant deviner les costumes très baroques, conçus par Thomas Bradley.
Fidèle danseur et collaborateur du chorégraphe, ce dernier a travaillé la matière qui habille avec un certain panache ses camarades et lui-même. Entre étoffes épaisses, tulles et molletons, les corps des 12 danseurs virevoltent, se répondent, au son des morceaux new wave du groupe anglais Tears for Fears.
Regroupés en grappes, dans des déplacements rapides qui occupent avec un entrain formidable l’espace scénique, alignés face au public, ils sont tout à une danse qui va crescendo. En contrepoint, des solos et pas de deux se dessinent, invitent le regard à se promener en arrière plan, tissent un maillage de l’espace propice à une danse exaltée qui s’abreuve et s’émancipe de la bande sonore, pour non pas se former sous cette influence musicale, mais être au monde. Avec ses lignes de force, ses effets de perspective et ses circonscription des formes, Love Train 2020 brosse un tableau fascinant, dont la matière éclaire le sens de l’être dans le temps.
L’ensemble flamboyant du groupe, revêt des attraits presque botticelliens, dans une propension, très picturale, à magnifier les corps en mouvements. C’est à dire que dans leurs costumes drapés, les danseurs de Gat sourient souvent, déploient d’amples mouvements de bras, telles des statues antiques célébrées par les artistes de la Renaissance.
Love Train 2020 tend vers cette fameuse esthétique de la redécouverte d’une culture antique païenne, avec toute l’audace qu’un tel parti pris requiert. Ici, c’est une prise de conscience, qui s’affranchit des codes, des normes, de l’austérité jusque dans ses dernières secondes où lumière et musique demeurent quand la danse s’interrompt.
Traversée de temporalités différentes, sans fin véritablement actée, Love Train 2020 réussit avec habileté à célébrer à la fois la permanence du monde et ce que signifie être là.
Author: Géraldine Pigault