Accepter ou résister !
En voilà un qui doit beaucoup à la persévérance de Jean-Paul Montanari.
Dès sa première pièce en France, Emanuel Gat a pu compter sur le Festival Montpellier danse pour y présenter ses créations au point d’être maintenant chorégraphe associé à Montpellier Danse, c’est dire le chemin parcouru par cet artiste Israélien, installé à Istres avec sa Compagnie où il mène un travail de plus en plus remarquable et abouti
S’il découvre la danse qu’à l’âge de 23 ans avec les chorégraphes Israéliens Liat Dror et Nir Ben Gal pour lesquels il va danser, c’est en 1994 qu’il va signer ses premières pièces et donc, depuis plus de vingt ans, il développe une écriture très personnelle qui le mène sur des chemins tout à fait passionnants au point que depuis deux ou trois pièces il atteint une sorte de maîtrise de son art qui frise l’admiration.
Et depuis Silent Ballet en 2008, on peut dire qu’il ne recule devant rien et avec cette nouvelle création Sunny, tout juste créée à la Biennale de danse de Venise où il a fait la première avant de la présenter dans le Théâtre de l’Agora pour la 36ème édition du Festival de Montpellier, il s’est ajouté quelques contraintes pour épicer un peu un quotidien qui aurait pu le lasser…
D’ailleurs, en quelques heures, il a décidé de recomposer la pièce. Il est comme ça. Il perfectionne tout le temps mais là, il a mis le début à la fin et bien sur l’inverse pour plus de cohérence… Il faut dire que c’est la première fois qu’il tente la musique en direct sur le plateau. Avant, il craignait que cela ne déstabilise trop son travail, les danseurs… il résistait… Mais ce qui l’a décidé c’est le fait qu’Awir Léon soit un ancien danseur de la Compagnie. Ce dernier a parallèlement développé son propre travail musical au point de devenir l’un des artiste les plus en vue de la scène électronique française actuelle… C’est ce qu’il fallait à Emanuel Gat pour qu’il accepte cet élément perturbateur dans le studio et il ne le regrette pas…
Comme chorégraphe, dans le processus, Emanuel Gat ne propose jamais de matières chorégraphiques aux danseurs. Il ne leur donne que des consignes, une sorte de « règle du jeu » avec laquelle les trois hommes et sept femmes de cette distribution vont composer, jouer. A lui le soin de modifier, gommer, ajouter, croiser… c’est un travail de précision dans lequel il va chercher la cohérence, la meilleure façon de faire sens.
Pour cette pièce pas de décor, seules les lumières, qu’il a imaginées, vont sculpter l’espace blanc qu’il a voulu.
Dans cette nouvelle pièce, il distingue d’ailleurs deux parties, la première propose des choses nouvelles jamais vues dans les précédents spectacles. De nouvelles voies s’ouvrent… dans la seconde, il lui semble que c’est l’aboutissement de cinq ans de recherche et d’idées qu’il maîtrise et que les danseurs savent utiliser.
Et lorsqu’on lui demande s’il danse dans Sunny, il évoque en riant Cunningham et promet que vers soixante dix ans, peut-être un solo… pour le moment, il est trop content de ce qu’il voit, la confiance qu’il y a entre lui et ses danseurs dont la plupart le suive depuis 7 ou 8 ans … Il les regarde et les admire … grâce à eux il voit un Sunny contrasté, à la fois joyeux et triste, comme il peut être …
Etienne Spaé, 28 juin 2016