Le 21 juin 2024 par Olivier Frégaville-Gratian d’Amore – Envoyé spécial à Marseille
Le 21 juin 2024 par Olivier Frégaville-Gratian d’Amore – Envoyé spécial à Marseille
De Beethoven à Kanye West, la nouvelle création du chorégraphe israélien, présentée en première mondiale au Festival de Marseille, est une déferlante généreuse et transcendante de mouvements de haute technicité et de virtuosité. Une merveille ! Une voix d’enfant résonne. Au centre du plateau, une silhouette immobile apparait. Lentement, elle s’anime. Très vite, elle est rejointe par les ombres des dix autres danseurs et
danseuses. Suivant les sonorités tout en beats et vibes envoûtantes, proches du prêche religieux, de Ultralight Beam, premier morceau de l’album The Life of Pablo de Kanye West, qui sert de bande-son quasi unique à la dernière-née des créations d’
Emanuel Gat, tous vêtus de blanc, pieds nus, ils habitent la scène, lui insufflent une vie tout en énergie, en pluralité et oecuménisme. Ne mâchant pas nos mots, la danse proposée par le chorégraphe israélien, pour fêter ses 30 ans de carrière et son installation récente à Marseille, est proche de la transe mystique.
De l’âme et du corps
Solo, pas de deux, danse de groupe, chaque geste, chaque mouvement tend vers l’unisson des corps, des âmes. L’un des danseurs prend le pas sur les autres. Tel un gourou ou un messie c’est selon, il entraine à sa suite le reste de la troupe. Un dissident ou une dissidente, le genre ici n’a pas d’importance, s’en échappe, crée sa propre croyance, aussitôt rejoint par quelques disciples. Ainsi de suite, sous nos yeux, les unions spirituelles se font et se défont. Les uns, allongés en croix deviennent martyrs, les autres debout font bloc. Puis comme traversés par, La sonate pour piano #32 en Ut mineure opus 111 (deuxième mouvement) de Ludwig van Beethoven, interprétée par Mitsuko, ou par un autre extrait du démentiel et illuminé album de Kanye West, ils entrent en transe.
Baignés par les lumières savamment modulées par Emanuel Gat, qui tantôt quadrille le sol, ou nimbe l’espace d’une luminosité d’outre-tombe, les onze danseuses et danseurs de la compagnie, certains sont des fidèles de quinze ans, d’autres de nouveaux arrivants, dansent, virevoltent avec une virtuosité infinie. Empruntant autant au classique, au contemporain, qu’à la street danse, le chorégraphe esquisse une grammaire plurielle et exigeante. Technique
autant que généreuse, son écriture qui se nourrit des aspirations de ses interprètes autant que de leur désir propre, emporte tout sur son passage.
Transe en danse
Tourbillon de corps, bras tendus vers le ciel, roulades, courses effrénées, la vie déborde de partout, brise le quatrième mur et déferle en vagues dans la salle. Pieds tapant la mesure, mains bougeant en cadence, tête suivant le temps, les spectatrices et spectateurs entrent en communion avec la scène. C’est beau, fort, puissant presque dangereux tant la musique du rappeur américain surfe sur une idéologie religieuse quasi messianique.
Véritable peintre du vivant, Emanuel Gat signe avec Freedom sonata, une fresque dansée d’une lumineuse beauté. Ange ou démon, le noir et les ombres crépusculaires prenant le pas au fil de la pièce sur le blanc immaculé, à chacun se laisser saisir par les intenses tableaux visionnaires qui se font et se défont devant nos yeux. Un sidérant ballet qui brouille les pistes de tous les intégrismes pour porter haut les couleurs de la tolérance et de la différence !
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